Parmi les paysages de la liste que nous suivons, le pèlerinage de Shikoku est emblématique, plutôt étendu et qui ne s’appréhende pas forcément en soi. Car il ne s’agit évidemment pas d’un temple ou d’une vue unique, mais bien d’un itinéraire de 1400 kilomètres qui relie 88 temples à travers les quatre préfectures de la quatrième île japonaise. Mais l’importance du grand pèlerinage, officiellement jumelé avec celui de Compostelle, justifie amplement sa place dans les 100 paysages de l’ère Heisei.
De notre côté, en reliant ces 100 lieux en une année, nous n’avions logiquement pas le temps de passer cinq ou six semaines à marcher (bien que ce ne soit pas l’envie qui manquait !). De même, faire le tour des 88 temples en voiture, comme de nombreux pèlerins le font aujourd’hui, aurait pris bien trop de temps et n’aurait pas forcément eu beaucoup de sens.
Notre idée d’alors, pour pouvoir quand même l’illustrer à défaut de le vivre, était de profiter de notre tour du Shikoku en juillet dernier (à la découverte de Kotohira-gu, des tourbillons de Naruto ou de la Shimanto-gawa entre autres) pour faire des arrêts réguliers dans les temples et peut-être croiser des pèlerins.
Ce que nous avons fait, malgré le timing serré de l’itinéraire, mais sans beaucoup de réussite au départ – il faut dire aussi que les torrides mois de l’été ne sont pas les plus recommandés pour s’aventurer sur les sentiers de Shikoku. Et que seule une minorité de pèlerins marchent désormais, la majorité empruntant les autocars des voyages organisés.
Néanmoins, sur un bout de route de la préfecture de Kochi, alors que nous commencions sérieusement à nous demander si nous verrions le chapeau conique d’un henro, nous avons finalement rencontré un marcheur. Le temps de se garer, et nous le rattrapions pour lui offrir o-settai, l’offrande qu’il est de bon ton de faire aux pèlerins.
En la présence, une petite bouteille de thé frais que l’homme accueillit en souriant, avant de poser son sac pour se désaltérer à l’ombre d’un arbre, tout en discutant un peu. Il sera le seul aruku-henro, un pèlerin qui marche, japonais que nous verrons des dix jours dans le Shikoku. Les autres seront des Européens profitant des longs congés estivaux.
Natif de la préfecture voisine d’Okayama, de l’autre côté de la mer intérieur de Seto, le pèlerin que nous rencontrons au bord de la route est d’accord pour une photo-souvenir, avant de repartir.
Après quelques jours de camping autour de la Shimanto-gawa, c’est en découvrant la préfecture d’Ehime en roulant vers Matsuyama et le Dogo Onsen, que nous “reprenons” le pèlerinage. Nous décidons de suivre l’itinéraire sur trois temples, du numéro 49 au 51. Le pèlerinage commence en fait près de Naruto, dans la préfecture de Tokushima, au Ryozen-ji, pour se terminer à Kagawa au Okubo-ji. Il suit les traces du Kukai, le fondateur du bouddhisme Shingon.
Les temples que nous visitons en arrivant sur Matsuyama se trouvent juste après la moitié du pèlerinage, au cœur de la troisième partie de l’itinéraire, dite “de l’illumination”. Mais le premier, le Jodo-ji, est désespérément désert. Les indices de l’itinéraires sont là, depuis la statue de Kukai aux sèche-cheveux impromptus qui servent à ce que l’encre du hoin, le tampon du temple, ne bave pas dans le carnet.
Le temple #50, le Hanta-ji, est un peu plus grand, et nous y arrivons en même temps que trois pèlerins en voiture – que nous retrouverons au #51. Le site est encore bien calme.
Tout change soudain au #51, le Ishite-ji, un immense méli-mélo de bâtiments de prière, de structures anciennes, d’ésotérisme bouddhiste populaire, au bout d’une longue galerie de bois accueillant les commerçants qui vendent tous les objets du culte. En plus des trois pèlerins en voiture, un Européen en tenue de henro récupère après une longue étape sous la chaleur pesante de la fin-juillet.
Séduits par le temple, nous y croisons finalement un grand groupe de pèlerins âgés, débarquant tout juste d’un autocar alors que nous allions partir. Ce qui nous permet de les suivre discrètement pour observer le rite que chaque pèlerin doit accomplir en arrivant des les temples de Shikoku, mais mené tambour battant par vingt retraités !
Pour plus d’informations, et des réponses aux questions pratiques, il faut consulter le site officiel en français du henro, qui est une véritable mine d’or pour apprentis pèlerins !
Comment s’y rendre ?
Le temple #51, le Ishite-ji, est réputé être l’un des plus impressionnants des 88 temples. Il est aux portes de Matsuyama, littéralement à 1500 mètres à l’est du Dogo Onsen, à une petite vingtaine de minutes de marche.
Sinon, pour visiter le Shikoku, dans tous les cas, la principale porte d’entrée est la ville d’Okayama, desservie en shinkansen entre Osaka et Hiroshima, d’où l’ensemble de la quatrième île du pays est facile d’accès, en train ou en voiture. En venant de l’ouest néanmoins, Hiroshima par exemple, est également une porte d’entrée intéressante, qui donne directement sur la préfecture d’Ehime.