Niché en plein cœur de la plus grande ville du Shikoku, Matsuyama, se trouve l’établissements de bain le plus célèbre du Japon, le Dogo Onsen Honkan. Souvent présenté comme plus vieux onsen du Japon, même si l’affirmation est impossible à vérifier, il est mentionné par le Nihon Shoki (Chroniques du Japon, achevé en 720, sur l’histoire très ancienne du Japon). Le Dogo Onsen se vante de posséder une source utilisée depuis 3000 ans, et est l’un des deux seuls onsen de la liste des 100 paysages de l’ère Heisei.
Hayao Miyazaki ne s’y est pas trompé. Avec une dose de fantaisie en plus, on retrouve dans le Voyage de Chihiro l’effervescence du Dogo Onsen. Un établissement de bain à plusieurs étages (trois pour le Dogo) avec les allers-retours pressés des employés et des clients en yukata, se croisant dans les couloirs serrés et entre des portes coulissantes pour un côté très labyrinthique. A quelques détails près, le tableau est cohérent.
Miyazaki et le Dogo Onsen
Du côté extérieur, la ressemblance n’est vraiment pas frappante avec Aburaya, le grand établissement coloré se dressant fièrement face à la jeune Chihiro (d’autres établissements de bains ont servi d’inspiration). Le Dogo Onsen Honkan est certes très charmant, mais bien plus petit. Et surtout, il est bien coincé entre d’imposants hôtels modernes, qui l’entourent et le regardent de haut. Pour retrouver l’esprit du Dogo, et celui qui a touché Miyazaki, il faudra donc ne pas hésiter à franchir le seuil de l’établissement de bains dont la source remonte à 3000 ans.
Les bains du Dogo Onsen
Au guichet, quatre types d’entrées sont proposées (décrites en japonais sur le grand panneau juste au-dessus).
- L’entrée basique (410 yen) qui donne accès au bain public (bain des dieux, Kami-no-yu) du rez-de-chaussé ;
- Une entrée avec accès à Kami-no-yu et à une pièce de repos partagée au deuxième niveau, où sont servis thé vert et snacks (840 yen) ;
- Une entrée qui permet, en plus de ce qui précède, l’accès à Tama-no-yu, le plus raffiné bain des esprits (1250 yen) ;
- L’entrée qui permet l’accès au 3e et dernier niveau (1550 yen) avec un temps sur place plus long (80 minutes au lieu de 60) et l’accès à une pièce privative du 3e étage, accompagné de thé et cette fois de pâtisseries japonaises (des Botchan dango).
Les entrées de niveau 3 et 4 (celles à 1250 et 1550 yen) permettent aussi de se rendre, accompagné, dans les quartiers privés de l’empereur, accessibles par une porte dédiée, Onarimon, sur le côté du bâtiment. Dans ses quartiers se découvre, entre autres, le bain privé de l’empereur, Yushinden, réalisé en granit Aji-ishi de Kagawa, le plus haut grade de granit. Depuis 1899, il n’a été utilisé que dix fois dont la dernière, en 1952, par le prince Hitachi.
Botchan au Dogo Onsen
Au 3e étage, au bout du corridor étroit qui accède aux pièces privées, se trouve aussi la pièce consacrée au roman de Natsume Soseki, Botchan. Publié en 1906, il est dit que l’oeuvre a été réalisée après l’expérience de Soseki habitant à Matsuyama. Et le Dogo Onsen y est mentionné plusieurs fois, sous le pseudonyme du “onsen de Sumida”.
Si la source du Dogo Onsen est dite remonter à 3000 ans, l’établissement en lui-même date de 1894 avec la construction d’un premier bain, celui des dieux (kami-no-yu). Le deuxième bain viendra ensuite en 1899 en même temps que le bain de l’empereur. Une légende accompagne l’histoire de la source et explique la présence d’une aigrette blanche au sommet du Dogo (d’autres représentations de l’animal se trouvent aussi à différents endroits).
Une Grande aigrette blessée à la patte aurait été la première à découvrir la source du Dogo. En venant y plonger sa blessure régulièrement avant de finalement guérir, elle attira l’attention des habitants des alentours qui se décidèrent finalement à tester la source par eux-même.
Pour apprécier l’ambiance extérieur du quartier Dogo Onsen, qui comprend l’établissement du même nom et la rue commerçante couverte qui y mène, une nuit sur place est idéale. Car, le soir venu, les couleurs du Dogo Onsen se révèlent, et le quartier semble encore plus s’animer de la ferveur balnéaire. Ses boutiques et même le combini le plus proche sont envahies de silhouettes colorées en yukata, échappées des hôtels aux alentours.
Le Dougoya, un ryokan arty
Mais le charme un peu trop moderne des gigantesques hôtels environnants, en comparaison avec le charme ancien du Dogo, n’est pas forcément la meilleure solution pour le découvrir. Dans ce cas, une nuit dans un établissement comme le Dougoya permet de changer la donne. Une très bonne surprise pour nous, car cette auberge à la japonaise rajoute un côté artistique à son charme traditionnel.
À cinq minutes à pied du Dogo Onsen Honkan, le Dougoya est un ryokan de l’ère Showa, fermée à la fin du siècle dernier et rouvert en 2013 par une équipe jeune, qui voulait à la fois préserver l’hébergement typique japonais, en y ajoutant une touche contemporaine. L’une de ses chambres, la “Art room” (à partir de 5500 yen par personne la nuit) représente bien l’esprit des lieux. Dans une pièce qui peut héberger six personnes, parmi d’autres œuvres du duo d’artistes Doppel, un gigantesque paon accueille le visiteur.
D’autres œuvres sont éparpillés dans les parties communes de l’hôtel. Et une autre verra le jour en novembre, à l’occasion d’une nouvelle session de live-painting.
Comment s’y rendre ?
Le Dogo Onsen se trouve dans le centre de Matsuyama, dans la préfecture d’Ehime. Le plus simple pour s’y rendre depuis Tokyo, à part l’avion, est déjà de rallier Okayama, d’où le JR Shiokaze Limited Express rallie la plus grande ville de Shikoku (6,5 heures et environ 20000 yen).
Alternativement, plusieurs bus de nuit relient Tokyo à Matsuyama. Compter environ 12000 yen pour les lignes régulières et moins pour les low-cost.
Depuis l’Ouest du Japon, notamment depuis Hiroshima, une alternative est de passer par Onomichi, une ville pratique pour rallier le Shikoku depuis ce côté de Honshu. Plusieurs bus la relient aux grandes villes de la quatrième île, dont Matsuyama.
Une fois à Matsuyama, le Dogo Onsen est à quelques minutes de marche de la station du même nom, accessible de la gare JR de Matsuyama en 20 minutes de tramway (ligne 5, 160 yen).