Keihin - Kawasaki

Le lieu le plus post-moderne des 100 paysages de l’ère Heisei et celui où le vert n’est pas synonyme de nature mais de fumerolles industrielles accentuées par l’éclairage électrique. La zone industrielle de Keihin, Keihin Kogyo, s’étale autour de la baie de Tokyo, jusqu’à la préfecture de Kanagawa au sud, son cœur étant situé sur le littoral de Yokohama et Kawasaki. Si ce paysage a été inclus dans la liste, alors qu’il rappelle plutôt une image ancienne et négative du Japon, celle d’une industrialisation massive et polluante qui a montré ses limites dans années 90, c’est qu’il est devenu populaire en 2007 avec la sortie d’un livre. Factory Love, le récit photographié d’une passion coupable enfin avouée, celle des usines… 

Devant le jeu de tuyauterie verdoyante et fumante d’une des nombreuses usines de pétrochimie de Kawasaki, la nuit est déjà tombée depuis plusieurs heures. Mais la rue n’est pas aussi déserte qu’elle en a l’air, parcourue par quelques ombres discrètes. Ici un photographe isolé s’active tranquillement derrière son trépied déployé et plus loin, un groupe est en pleine réflexion devant la carrosserie luisante d’une voiture de sport bleue. La star du soir est la voiture et son cadre, l’usine éclairée.

La zone industrielle de Keihin a été pour nous un autre lieu à première vue un peu déconcertant de la zone de Tokyo, avec Disney Resort. Car les blocs d’îles artificielles uniquement animées d’usines ronronnantes et crachantes de fumées, tout comme les deux parcs de divertissement du géant américain, dans une version beaucoup plus édulcorée, sont des vues urbaines, qu’on pourrait qualifier de post-modernes, qui contrastent fortement avec la majorité des paysages naturels que nous avons vus et parcourus au cours de cette année.

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Cette longue ceinture industrielle a réellement commencé à prendre de l’importance à la restauration de Meiji, en 1868, et mettra plusieurs décennies avant de rivaliser avec Keihanshin, la ceinture historique de la région Kyoto-Osaka-Kobe, souvent considérée comme la plus vieille zone industrielle du pays. Keihin ne prit finalement le dessus sur les industries du Kansai qu’après la Seconde guerre mondiale, concentrant alors les industries lourdes de l’aciérie, de la raffinerie de pétrole, de la pétrochimie et des chantiers navals.

Une zone qui a pu voir le jour grâce à des opérations majeures d’enfouissement de déchets, créant de nouveaux espaces pour l’industrie, pris sur la mer.

Mais malgré ces nouveaux espaces, la zone devint rapidement trop surchargée, amenant une cascade de problèmes de transports et surtout une forte pollution environnementale. Pendant l’ère Showa (1926-1989), la pollution de Kawasaki issue de cette expansion industrielle est un problème de société majeur. Une pollution causant principalement des problèmes respiratoires aggravés, et de l’asthme infantile, menant dans les années 1980 une centaine de familles devant les tribunaux. Le procès qui dura une dizaine d’année amena finalement une compensation financière, une prise de conscience des autorités et le déplacement de nombreuses usines.

Aujourd’hui sur les îlots artificiels de cette ceinture industrielle, les plus emblématiques se trouvant bien à Kawasaki, la pollution de l’air a été fortement réduite. Et on ne croise pas que des camions et des ouvriers à vélo. Car les fumées et les couleurs artificielles du néon ont trouvé un nouveau public : les amateurs de photographies de belles usines. La sortie du livre de Tetsu Ishii et Ken Oyama, deux photographes passionnés, Factory Love, Kojo moe en japonais,  en 2007, a lancé la tendance du tourisme industriel.

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Une carrosserie qui brille discrètement…

Kawasaki, ancienne ville polluée et ville sans âme, est devenu le rendez-vous des adeptes de belles structures métalliques, et de ceux qui cherchent à retrouver un monde post-apocalyptique à la Blade Runner. Certains s’embarquent désormais dans les bus mis en place par la ville, pour découvrir ce paysage si différent, ou s’en approchent en bateau – plusieurs tours operator proposant des croisières à la découverte des fumerolles colorées, quasi quotidiennement en semaine.

Pour nous, le paysage n’est pas sans rappeler les fumerolles de certaines stations thermales, comme Beppu, mais à un tout autre niveau ! Ce tourisme industriel, via les tours organisés, vise pour le moment uniquement les Japonais, ces plus grands passionnés de photographie aux thématiques illimitées.

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Comment s’y rendre ?

La ceinture industrielle de Keihin est plutôt bien desservie en transport en commun, mais uniquement en semaine, quand les ouvriers en ont besoin, donc mieux vaut bien se méfier des horaires des bus (plusieurs lignes depuis la gare de Kawasaki) et des trains qui rallient les zones d’usines. Le plus simple restera alors, pour en profiter en soirée, après les horaires de travail, de s’y rendre en voiture ou à vélo.

Dans tous les cas, il faut bien garder en tête que les usines sont des propriétés privées, et que des camions y circulant en permanence, il ne faut donc pas les gêner.

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