Cela se mesure à plusieurs références subtiles, et ne se découvre pas forcément au premier abord, mais Kobe est la capitale japonaise de la perle – voire mondiale, tant la ville du Kansaï a été au cœur de l’innovation dans cette industrie du luxe, pendant plusieurs dizaines d’années après-guerre. Et aujourd’hui encore, Kobe est la ville experte où est traitée près de 70% de la production mondiale de perles, celles produites dans l’archipel et ailleurs. Une industrie luxueuse de la perle à Kobe qui peut s’explorer en quelques lieux.
C’est un sous-titre que l’on retrouve un peu partout, depuis les brochures touristiques jusqu’aux enseignes de l’ancien quartier étranger, apposé sous certains logos. “Kobe – la capitale de la perle”, ou au travers de noms de certaines structures comme le Akashi Pearl Bridge. Pourtant, ces mêmes brochures n’en disent pas beaucoup plus au premier abord sur la perle à Kobe. Et cette histoire de perle n’a pas beaucoup à voir avec l’emblématique tour rouge du port, ni avec l’ultra-célèbre bœuf – qui, eux, se découvrent facilement.
Non, l’on se dit alors que cette mention n’est peut-être qu’un label touristique, une référence aux splendeurs de la cité élégante, aux reflets brillants de la mer intérieure de Seto ou à la vue flamboyante depuis le sommet du Mont Rokko. Mais ce serait une erreur de s’arrêter là. Comme le faisaient les femmes de Toya, qui plongeaient en apnée à la recherche des huîtres perlières, il faut plonger à la recherche des détails, sur le revers des vestes des officiels ou au cou de la présentatrice de la chaîne locale. Les perles sont bien présentes, mais comme souvent dans le luxe, elles sont discrètes.
L’histoire perlière est intrinsèque au Japon, où sont apparues les premières perles de culture au début du XXe siècle, à l’initiative de Kokichi Mikimoto. Pas à Kobe, mais tout près, dans la préfecture de Mie, où les huîtres akoya ont été utilisée pour produire les perles du même nom dès les années 1920. Et avant même cette avancée technologique, les pêcheurs de perles de cette côte de la mer intérieure avaient pris l’habitude d’écouler leurs trésors auprès des étrangers de Kobe, aux capacités d’achat bien plus importantes que celles des japonais.
Et puis, parmi les cinq ports ouverts au commerce international dans les premières années de l’ère Meiji, celui de Kobe était le seul où les étrangers ne vivaient pas tous intégralement séparés des japonais. D’où des contacts plus faciles, pour découvrir le café et le pain dans un sens, ou vendre des marchandises dans l’autre. Les familles de pêcheurs de Mie se sont assez rapidement installées à Kitano, au nord de Kobe. Après développement de la perle de culture, le lieu est resté le même, et les ateliers de traitement de la perle à Kobe s’y sont développés en grand nombre.
“Ils sont encore 200 aujourd’hui, précise Yoshihiro Utsumi, le président de la Japan Pearl Exporters’ Association et donc spécialiste de la perle à Kobe. Mais vous ne verrez que les devantures des moins fameux, ceux qui ont besoin de faire de la publicité. Les autres sont bien plus discrets.”
C’est véritablement au niveau du traitement des perles que Kobe tient son rôle de capitale. Grâce à Yasuie Todo, un natif du Shikoku qui s’y est établi peu avant 1920. Après plusieurs années d’expériences sur des perles imparfaites, il arrive finalement à atténuer leurs tâches, en utilisant de l’oxyfluorfène. Son atelier est le premier à avoir ouvert à Kitano, le quartier déjà occupé par les familles de pêcheurs et disposant d’une lumière exceptionnelle. Après ce nouveau développement, Kobe est rapidement devenu le grand port d’exportation perlier du Japon.
Nous avons pu visiter trois sites de Kitano, atelier de préparation des perles et boutiques huppées. Mais ce sont des lieux principalement ouverts aux clients (que nous n’étions pas – il s’agissait juste d’une visite organisée), le mieux pour découvrir cette histoire restant le Musée de la perle de Kobe, dans l’ancien quartier étranger.
Le bâtiment de béton, avec ses grandes baies vitrées du 4e niveau, est plutôt imposant. Inauguré en 1952, il était d’abord le Japan Pearl Center, et le siège de la puissante association des exportateurs de perles du Japon à partir de 1956, dont la tâche principale était de vérifier la qualité des perles japonaises avant l’exportation, et de certifier leur qualité. Ce qui explique l’immense baie vitré du dernier niveau, face au sud pour travailler avec la lumière naturelle.
Le bâtiment en lui-même, un peu vieilli mais qui sera bientôt restauré, prouve à quel point l’industrie perlière a été un des leviers du redressement économique, dans le Kansaï et pour tout l’archipel, après-guerre. Le Pearl Center possédait notamment les premiers stores électriques du Japon, ce que les journaux avaient amplement relayé. Quelques salles au rez-de-chaussée permettent de se plonger dans l’histoire de la perle à Kobe, de son traitement et de son exportation grâce à de nombreux objets (et une brochure en anglais).
Aujourd’hui encore, l’expertise de la perle à Kobe fait que près de 70% des perles échangées sur la planète passent par Kobe à un moment. Une histoire fascinante qui permet de mieux comprendre la ville, et peut par exemple s’explorer au moment de Kobe Luminarie, comme nous l’avons fait. Mais il y a plein d’autres raisons d’explorer la cité, où assez peu de touristes prennent finalement le temps de s’arrêter. Un comble avec un nom aussi connu.
Comment s’y rendre ?
Kobe est très facile d’accès, à environ 30 minutes d’Osaka (précisément 27 minutes de la gare d’Umeda à celle de Sannomiya, au cœur de Kobe). En shinkansen, la station de Shin-Kobe est situé entre Osaka et Hiroshima, à quelques minutes à peine de la première. Depuis Tokyo, il faudra compter entre 2h40 et 3h de shinkansen, pour à peu près 15 000 yen.