Lorsque nous avons découvert l’archipel japonais pour la première fois, en 2015, c’était à l’occasion de six mois de Wwoofing. Les premières découvertes touristiques, longtemps avant le livre, nous les avons faites avec nos hôtes, ou pendant les jours/semaines de voyages qui servaient de traits d’union entre deux expériences. Comme promis dans notre premier article sur le sujet, voici le détail et les souvenirs de nos trois premières expériences – trois fermes – sur six en tout.

Cet article est bien la suite de « Faire du Wwoofing au Japon : pourquoi et comment ? », qui donne des informations générales et des conseils sur le wwoofing dans l’archipel, et décrit la marche à suivre. Il précède un second article décrivant nos expériences : « Faire du Wwoofing au Japon : expériences détaillées [2/2] ».

Disclaimer : cet article est également rempli de photos remontant à 2015 dont certaines présentent des styles et/ou des coupes de cheveux que nous n’assumons plus totalement.

Wwoofing #1 : Riz et negi à Tahara

Wwoofing Tahara

Durée = 10 jours.

Le tout premier ! Cinq jours après avoir débarqué à Tokyo (le temps de récupérer nos valises perdues entre deux vols et de grimper une première fois au sommet de la mairie de Tokyo), nous prenons un highway bus pour Hamamatsu, un premier train pour Toyohashi, un second pour Tahara puis un bus local pour rejoindre nos tout premiers hôtes, dans une ferme pédagogique située dans un recoin de la préfecture d’Aichi.

Nous avions choisi le lieu totalement par hasard, depuis la France, à la suite d’une réflexion qui se résumait à « ça a l’air pas loin de l’océan, il doit y a voir des jolies plages » (ceux qui connaissent le Japon savent déjà à quel point cela n’est pas toujours évident !).

Wwoofing Tahara

Depuis le bus local, nous descendons un arrêt trop tôt (ayant entre autres peur de manquer de yens si le prix du trajet augmente encore… NB: pensez à retirer régulièrement). Le chemin jusqu’au village, que nous continuons donc à pied, longe l’océan, mais une végétation luxuriante le masque à notre vue. Nos premiers pas dans les campagnes japonaises sont freinés par un réseau dense de toiles d’araignées qui ont fait de ce trottoir leur territoire. La ferme de nos hôtes arrive après un port très bétonné. S’y croisent des crabes (mignons, timides) et des cafards (bien plus nombreux).

En fait, nous l’avons déjà évoqué dans le premier article, mais ce premier wwoofing fut aussi le moins intéressant. Rien de dramatique, mais quelques raisons plutôt logiques à cela : pour les hôtes accueillant les wwoofers depuis 15 ou 20 ans, la curiosité avait dû laisser place à un sentiment de lassitude.

Dans l’humidité sans fin de la saison des pluies, nous n’avons pas eu beaucoup d’échanges avec eux, ni beaucoup plus avec les deux autres jeunes japonais, un wwoofer indécis arrêté là depuis six mois, et une jeune volontaire en stage d’étude. Par contre, nous regrettons très souvent l’incomparable baumkuchen (le gâteau à la broche devenu une passion nationale) qui y était préparé chaque jour…

Wwoofing Tahara
Immersion japonaise et premiers bains quotidiens.

Côté boulot, un peu de désherbage en rizières (bio) les premiers jours, puis beaucoup de travail sous serres (quand il pleuvait, c’est-à-dire presque tout le temps). Un peu de rempotage des negi, l’oignon jeune japonais, beaucoup de remise en état des serres, et beaucoup de découvertes d’insectes, gros et colorés, y compris un mukade surpris dans sa cachette (dont il vaut mieux éviter la morsure, assez douloureuse il paraît). Six heures quotidiennes avec des horaires fixes.

Wwoofing Tahara
Les pieds dans la rizière !

En dix jours de volontariat, nous avons assisté à d’autres activités (sans vraiment comprendre ce qu’il fallait faire, mais c’était aussi le cas, à l’en croire, du wwoofer japonais), finalement eu quelques échanges avec la grand-mère de la famille à la bonne humeur contagieuse (avec laquelle nous avons réalisé un semainier en origami).

Pour notre unique jour de congés, nous avons pris le bus jusqu’à l’extrémité de la péninsule de Tahara, où nous avons découvert (sous la pluie) notre premier lover’s sanctuary et de superbes tournesols. Quand nous sommes rentrés, nos hôtes ne nous ont jamais demandé ce que nous avions fait (ce seront bien les seuls hôtes à être aussi peu curieux).

Wwoofing Tahara
Un beau jour de congés à la plage.

Wwoofing Tahara

Pour notre départ seulement, réalisant finalement que nous nous en allions pour de bon, le fermier nous a rattrapé alors que nous marchions vers l’arrêt de bus pour nous offrir un sac de fruits (des pamplemousses au goût de raisin que nous n’avons jamais retrouvés par ailleurs) et de grands sourires.

Wwoofing #2 : Des milliers d’œufs à Wakayama

Wwoofing Wakayama

Durée = 2,5 semaines + 2 ou 3 semaines + 8 jours (environ un mois et demi en trois séjours distincts, en juillet, septembre et novembre).

Le deuxième wwoofing fut sans commune mesure avec le premier.

Ayako, notre hôte, nous attendait à la gare de la ville de Wakayama avec un beau panneau où nos prénoms étaient inscrits ainsi que “Bienvenu !”, en français dans le texte. Nous étions alors les premiers wwoofers à investir l’exploitation, et chacun était prévenant et excité. Nous avons véritablement accroché avec elle et son mari Gentarou, dit Gen-chan, au point de revenir deux autres fois y passer quelque temps.

Outre la sympathie de l’accueil et les échanges, la situation de la ferme au nord de la préfecture de Wakayama, pas très loin de l’aéroport du Kansai, a grandement facilité ces nombreuses étapes.

(NB: Ayako et Gen-chan ont désormais quitté cette ferme, où ils étaient employés, pour monter la leur, pas très loin du Koya-san.)

Wwoofing Wakayama
Les routes étroites vues de la cabine du camion conduit par Gen-chan.

Cette fois, la ferme produisait des œufs biologiques (donc beaucoup de poules, plusieurs milliers dans des enclos suffisamment vastes) et élevait des porcs. Toutefois, nos activités ne concernaient pas ces derniers.

En plus d’Ayako et de Gen-chan, nous avons rapidement fait connaissance avec Imamura-san, la propriétaire, et deux ouvriers agricoles, dont l’un d’eux habitait aussi sur place. À notre arrivée, Ayako nous avait chacun réservé une chambre – mais nous avons rapidement demandé à faire chambre commune !

Wwoofing Wakayama
Chambre bien rangée.
Wwoofing Wakayama
Vue de notre première chambre. La ferme est perdue dans les montagnes.

Chaque journée commençait par une réunion, et nous avions une fiche sur laquelle nous renseignions nos activités journalières (en nous essayant donc à l’écriture des kanji). La principale activité était le ramassage des centaines d’œufs, en allant à la rencontre des poules dans les enclos, deux fois par jour (y compris avant le petit-déjeuner en été). Mais nous avons fait bien d’autres choses en trois séjours :

  • nettoyer des enclos vides (donc à la pioche dans la fiente) pour remplir des sacs à destinations d’agriculteurs de la région, pour servir d’engrais ;
  • préparer de la nourriture en émiettant des biscuits ayant dépassé leur DLC ;
  • scier d’envahissants bambous ;
  • vendre des œufs sur un marché ;
  • polir les œufs pour les faire briller ;
  • repeindre des cloisons de la maison.
Wwoofing Wakayama
Emploi du temps rempli par nos soins.
Wwoofing Wakayama
Au marché.

Wwoofing Wakayama

Wwoofing Wakayama

Wwoofing Wakayama
Activité ménage, parfaite pour un lendemain de soirée.

Ayako et Gen-chan profitaient en général de nos jours de congés pour nous accompagner à la découverte de la région (château de Wakayama, sanctuaires locaux, onsen, petits cafés sympas, pâtisseries, spectacle de découpe de thon à Wakayama, matsuri local en été, gare du chat Tama…), ou s’arrangeaient pour nous déposer et nous récupérer en ville – à l’occasion des tournées de livraison d’œufs en camion, menées par Gen-chan jusqu’à Osaka.

Wwoofing Wakayama
Le site du plus grand écho du Japon (sic).
Wwoofing Wakayama
Notre tout premier matsuri d’été ! (Voir le contrechamps ci-dessous, pour des tenues aussi flamboyantes que ce ciel vespéral)
Wwoofing Wakayama
Hirondelles = prospérité pour le foyer.

Étant les premiers wwoofers de la ferme, nous avons eu droit à une fête avec d’autres cultivateurs de la région. À d’autres occasions, nous avons fait des crêpes pour tout le monde, des croquemonsieurs, une galette des rois, du soufflé de foies de volaille et du couscous, et nous sommes régalés au quotidien de la cuisine de Gen-chan, natif d’Osaka et cuisinier diplômé.

Wwoofing Wakayama

Ce deuxième wwoofing nous a laissé un très bon souvenir, et nous sommes encore en contact avec Gen-chan et Ayako, dont nous avons aussi croisé le frère, francophone et souffleur de verre, que nous avons même hébergé une nuit quand nous habitions à Lyon. C’est aussi avec eux que nous avons fait notre seul karaoké (sans beaucoup de talent de notre part…), à Osaka.

Wwoofing Wakayama
Ayako, par contre, avait beaucoup de talent.

En bonus, une nouvelle valse d’insectes, d’animaux et de photos tendances :

Wwoofing Wakayama
Un superbe common map (Cyrestis thyodamas) observé à la ferme, qui nous a permis d’avoir une certaine heure de gloire sur des forums consacrés aux lépidoptères.

Chacun de nos trois départs fut l’occasion d’adieux déchirants.

Wwoofing #3 : Poires et raisins au bout de Honshu

Wwoofing Yamaguchi

Durée = environ 3 semaines.

Le troisième wwoofing nous a emmené dans la préfecture de Yamaguchi, de fin juillet à mi-août environ, au plus fort de l’été. Nous sommes partis juste après les fêtes d’O-bon (un détail qui aura son importance, voir plus bas).

Nous avons été reçu dans une ferme fruitière et familiale, offrant aux touristes (japonais à 95%) la possibilité de s’essayer au fruit-picking du côté du raisin. Mais l’exploitation, alors dirigée par Yoichi, mais dont le père (toujours une bière à la main) n’était jamais loin, produit aussi des poires et des myrtilles.

Nous n’étions pas hébergé dans la famille de Yoichi (où nous prenions cependant nos dîners régulièrement) mais dans une maison ancienne pour nous seuls, un peu en périphérie du village de Sugane, pas très loin des vergers. Pour nous rendre au meeting de début de journée, où l’on retrouvait les autres ouvriers agricoles, employés, nous avions à disposition un quad et un vélo électrique pour affronter le paysage escarpé.

Wwoofing Yamaguchi
Notre chez-nous, avec quad et vélo.
Wwoofing Yamaguchi
Encore une fois, un paysage d’une urbanité insupportable.

Yoichi s’est excusé après notre passage : comme nous étions là au plus fort de la saison, qu’il avait beaucoup de personnel à gérer et que de la famille venait régulièrement (cf. O-bon), il nous a confessé n’avoir pas eu suffisamment le temps de s’occuper de nous… ce que nous n’avions pas spécialement remarqué.

Le travail, principalement du désherbage avec désherbeuse à moteur thermique (pour moi) et à la main (pour Aurélie), était plutôt intense, surtout au cœur de l’été japonais. Nous étions souvent épuisés le soir, ravis de retrouver notre Home sweet home et un bon bain chaud.

Nous avons aussi eu l’occasion d’arroser des poiriers, de ramasser des myrtilles (l’occasion de découvrir une flore luxuriante de chenilles colorées et urticantes !), de nettoyer des barbecues (une autre activité de loisir de la ferme), de repeindre des jeux pour enfants et de préparer du couscous pour la famille.

Wwoofing Yamaguchi
Le temps de la réunion du matin, avec des photos noir et blanc du grand-père fondateur.

Surtout, ce wwoofing nous a permis de comprendre la cherté des fruits au Japon : poires et raisins sont emballés sur les arbres pour les protéger de l’humidité, des typhons, des animaux (corbeaux, singes, sangliers). Des clôtures électriques sont là pour repousser ces derniers, ainsi que des haut-parleurs émettant régulièrement des déflagrations. Ce qui n’empêche pas de lourdes pertes.

Au-delà du travail, Yoichi et sa femme nous ont emmenés passer une après-midi à la plage, et dîner dans un restaurant populaire de la région, reclus dans les montagnes, servant une cuisine d’inspiration tradi-pirate : Irori Sanzoku. Nous avons aussi pris part à des retrouvailles familiales pour O-bon, y compris une soirée mémorable autour d’un yakiniku.

Wwoofing Yamaguchi

Wwoofing Yamaguchi

Wwoofing Yamaguchi
Quand il y a du soleil mais qu’il ne faut pas bronzer.
Wwoofing Yamaguchi
Fin de soirée familiale au yakiniku !

Nous avons enfin eu l’occasion d’apprécier la vie communautaire du village (tout petit, dans lequel le père de Yoichi avait des responsabilités publiques – et donc une totale impunité pour boire dans toutes les situations). Nous avons assisté à plusieurs répétitions précédant la soirée de danses d’O-bon. Après avoir appris le rythme, j’ai (Julien) même pu donner le rythme au taiko pendant bien vingt minutes de danses.

Des vieilles dames (ayant perdu un proche dans l’année) passaient leur temps à nous offrir du saké.

Wwoofing Yamaguchi
Apprentissage du rythme avant le Jour J.
Wwoofing Yamaguchi
La photo des adieux.

La suite bientôt, avec nos trois derniers wwoofing (deux fermes et un café).

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