Yoshino - Omine okugakemichi

Le mont Yoshino est situé au cœur de la préfecture de Nara, à environ deux heures de train au sud de l’ancienne capitale du Japon. Très connue pour la floraison de ses 30 000 cerisiers, au printemps, la région est aussi un haut-lieu de l’ascétisme et le berceau du Shugendo, un culte de la montagne débuté il y a 1300 ans et dont les cerisiers sont une manifestation. Le lieu sacré est placé sous l’œil protecteur et terrifiant de Zao Gongen, le dieu majeur du Shugendo, et est classé au Patrimoine mondial. Et il se trouve évidemment dans la liste des 100 paysages de l’ère Heisei.

Nous ne remercierons jamais assez la liste des 100 paysages de nous emmener parfois au fin fond du Japon pour découvrir des lieux spirituels forts ou impressionnants, voire les deux, comme l’est Yoshino. La liste n’est bien sûr pas exhaustive et sur le chemin des 100 paysages nous avons découvert d’autres endroits que nous avons adorés et qui auront un jour leur place dans les Hors-circuit, lorsque nous aurons terminé la visite et l’écriture des 100 lieux.

Yoshino, étant dans la liste que nous suivons, nous pouvons dès maintenant présenter cette montagne sacrée située à deux heures de train de l’ancienne capitale Nara, et dont l’accès est un peu plus facile depuis Osaka. Yoshinoyama ou le mont Yoshino, se trouve dans le centre de la préfecture de Nara, et vit dans l’ombre de la cité des daims, au nord, et des routes du Kumano Kodo de Wakayama, au sud. Pourtant, ce dernier pèlerinage commence bien à Yoshino.

 

Yoshinoyama, berceau du Shugendo

Tout a commencé sur la montagne sacrée, au début du VIIe siècle – pendant la période Nara (710-794) – avec l’installation du Saint En-no-Gyoja en haut de la montagne. Il y a pratiqué un ascétisme bouddhiste rigoureux, aux accents animistes, et a finalement sculpté dans du bois de cerisier la première représentation de Zao Gongen, le dieu de la montagne et figure centrale du Shugendo.

Yoshino - Sakuramotobou
Du côté du temple Sakuramotobou, avec la représentation de En no Gyoja et ses deux démons apprivoisés.

Yoshino - Sakuramotobou

Yoshino - Sakuramotobou

Yoshino
Au sanctuaire Mikumari.
Yoshino
Au printemps, le rose des cerisiers prend la place des teintes de l’automne, pour une vue tout aussi somptueuse.

Le mont Yoshino fait partie de l’ensemble, classé à l’Unesco en 2004, des pèlerinages et sites sacrés des montagnes du Kii, qui se partagent entre la zone Yoshino-Omine pour la partie préfecture de Nara, et Kumano-Sanzan et le Koyasan, pour la préfecture de Wakayama. Ces deux derniers, étant aujourd’hui les plus connus, avec bien plus de promotion touristique.

Le cœur du mont Yoshino est bien le Shugendo. Un syncrétisme de croyances bouddhistes anciennes, mêlées au culte animiste de la montagne et à la vénération des kamis – les divinités du shintoïsme japonais. Après sa création par En-no-Gyoja, deux écoles se sont créées, donnant ainsi deux centres majeurs : celui du parc national Yoshino-Kumano pour la région du Kansai; et les Dewa sanzan (trois montagnes de Dewa), à Yamagata dans le Tohoku. La première étant plus influencée par le bouddhisme et la dernière plus par le shintoïsme.

Yoshino
Zao Gongen dans le hall principal du Kimpusen-ji (Photo prise et publiée avec l’autorisation de la hiérarchie du temple).

Le Shugendo est une religion bien vivante, et est toujours le cadre de l’ascétisme des yamabushi. Des hommes uniquement – Japonais et non-Japonais – qui marchent chaque année en juillet pour rallier le mont Omine, le cœur sacré de la région de Yoshino, depuis le temple Kinpusen-ji. Plusieurs exercices d’ascèses sont pratiqués le long du chemin, pour se renforcer mentalement et physiquement au contact de la nature.

La route principale suivie par ce pèlerinage est Omine-Okugake. Et les plus fervents marchent jusqu’à l’Océan, tout au sud, en empruntant les chemins du Kumano-Kodo. Un trajet montagneux et un cheminement spirituel de 90 kilomètres.

Yoshino - Omine okugakemichi
Sur le Omine Okugakemichi, reconstitution de la hutte dans laquelle le poète et moine bouddhiste Saigyo a vécu trois ans et écrit de nombreux poèmes.

Yoshino - Omine okugakemichi

Yoshino - Omine okugakemichi

Yoshino

Le Kinpusenji au cœur du syncrétisme de Yoshino

Le lieu central du Shugendo à Yoshino, au cœur de ce culte de la montagne, est le temple Kinpusen-ji. Avec ses 34 mètres de hauteur, il est la deuxième plus grande structure de bois du Japon après le Todai-ji de Nara. Ce temple perché sur la montagne, fondé par En-no-Gyoja, abrite les représentations les plus impressionnantes de Zao Gongen (dont les trois statues majeures qui ne se sont visibles que quelques jours dans l’année).

Yoshino - Kinpusenji temple
Le temple Kinpusenji possède la deuxième plus grande structure de bois du Japon.

Yoshino - Kinpusenji temple

Yoshino - Kinpusenji temple Yoshino - Kinpusenji temple

Yoshino - Kinpusenji temple

Yoshino - Kinpusenji temple

Yoshino - Kinpusenji temple

Yoshino - Sakuramotobou

L’expression, assez terrifiante de Zao Gongen, est à l’image de la vision qu’en a eue En-no-Gyoja lors de ses pratiques ascétiques. Dans ses songes, ce dieu puissant (qui personnifie à la fois le Bouddha du passé, celui du présent et celui du futur) serait venu pour sauver les hommes dans cette période noire où les conflits étaient incessants. Et pour preuve du syncrétisme du Shugendo à Yoshino, Zao Gongen est aussi une manifestation du kami qu’est le mont Yoshino.

Après sa vision, En-no-Gyoja tailla l’image de ce dieu féroce dans un tronc de cerisier et commença à le vénérer. C’est par ce biais que les cerisiers ont été cultivés en nombre dans la région, l’arbre étant un élément central du Shogendo depuis cette époque. La période de floraison est d’ailleurs le (seul) moment où le mont Yoshino est littéralement envahi de visiteurs, qui viennent admirer les teintes de rose qui couvrent la montagne.

Les lieux de cultes de la montagne sont ainsi parmi les plus mixtes que nous ayons croisés, empruntant autant à l’architecture et à l’iconographie shinto que bouddhiste. Dans le trésor du temple Sakuramotobou, se trouve ainsi une rare représentation du Bouddha en tailleur, portant les vêtements d’un officiant shinto. Une sculpture étonnante qui a échappé aux débuts de l’ère Meiji (1868-1912), quand ces syncrétismes étaient pourchassés.

Yoshino - Mikumari jinja

Yoshino - Mikumari jinja
L’étonnant sanctuaire Mikumari, où viennent les jeunes parents pour prier Ameno Mikumari, kami de la fertilité.
Yoshino - Chikurin-in gumpoen
Dans le jardin du ryokan Chikurin-in Gumpoen.

Washi et Kuzu à Yoshino

Au-delà de son aspect spirituel, Yoshino est aussi très appréciable pour sa nature et sa situation perchée dans les montagnes. Le secteur est aussi celui de plusieurs artisanats locaux, comme la fabrication du papier japonais (le washi) ou encore la production du kuzu, cette fécule blanche issu de la racine de la plante du même nom et qui constitue un substitut à la gélatine en cuisine.

Yoshino - washi
L’une des étapes de fabrication du washi, papier japonais à l’atelier Fukunishi.
Yoshino - washi
Du washi de différentes teintes.
Yoshino - kuzu
Démonstration de fabrication de kuzu par Nakai-san, qui tient un tronc de la plante

Yoshino

Yoshino
Fabrication de douceurs au Kuzu, pour en apprécier les saveurs.
Yoshino - kuzu
Après la démonstration, le temps de la dégustation !

À Yoshino, le kuzu se déguste très frais, tout juste préparé, et le plus vite possible car, après 10 minutes, la pâte qui en est tirée devient farineuse et moins savoureuse. À essayer nature ou avec de la sauce soja, ou encore avec le kinako, la poudre de soja sucrée. Une autre spécialité du coin, qui elle, se prête très bien à un usage de pique-nique, ce sont les Kakinoha-zushi, des sushi – riz et saumon ou riz et maquereau – qui sont emballés dans une feuille de kaki aux propriétés antiseptiques (et aux couleurs d’automne) !

Yoshino
Les Kakinoha-zushis !
Yoshino
Un seul arbre et tant de nuances d’automne !
Comment s’y rendre ?

Pour se rendre à Yoshino, il faut d’abord rejoindre le Kansaï, à Osaka ou Nara.

Yoshino
La gare de Yoshino, en bout de ligne.

Depuis Nara, le trajet en train dure entre 1h30 et 2h, selon les horaires et implique plusieurs changements, à Yamato-Saidaji et à Kashiharajingu. Compter environ 800 yen en tout.

Depuis Osaka, le trajet se fait plus aisément, en 1h avec les lignes JR (de Tennoji station, avec un changement à Oji station, 840 yen l’aller) ou bien en 1h30 avec les lignes Kintetsu (depuis Osaka Abenobashi station, 970 yen l’aller).

Depuis la gare de Yoshino, un court trajet en télécabine (360 yen aller simple ou 610 yen aller-retour) permet de rejoindre le bas du village. La plupart des visiteurs l’explore ensuite à pied. Compter une heure de marche de l’arrivée de la télécabine jusqu’au sanctuaire Mikumari, à l’autre extrémité.

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