Koyasan

Le centre spirituel de la secte Shingon du bouddhisme japonais est un impressionnant complexe de temples – 117 aujourd’hui – dans le cœur montagneux de la préfecture de Wakayama, à environ deux heures au sud de Osaka. Le Koyasan, centré sur le Danjogaran fondé par Kobo Daishi en 816, s’apprécie en toutes saisons et nous l’avons découvert sous la neige de l’hiver. Un manteau blanc qui amplifie le calme sacré du site, l’un des 100 paysages de l’ère Heisei, et permet de l’explorer autrement.

Le Koyasan n’est pas une montagne. Malgré ses idéogrammes, le san (山) est le même que dans Fuji-san par exemple, il n’existe pas de sommet appelé « mont Koya ». Le Koyasan est un ensemble de temples, situé dans les montagnes d’où son nom, l’expression est donc à utiliser telle quelle soulignent les officiels locaux et les moines, qui font la chasse aux « Mount Koya » omniprésents en ligne et dans les guides.

Le Koyasan se découvre en arrivant par Daimon, l’immense porte à l’extrémité ouest de l’ensemble de temples. Ici sous la neige !

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Lecture de droite à gauche pour les idéogrammes de Koyasan sur la porte principale – Daimon – à l’extrémité ouest de la vallée.
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La grande porte, Daimon, une fois la tempête de neige passée…

S’il n’est pas un mont en soi, le Koyasan est par contre entouré de huit sommets de ce cœur vallonné de la région de Wakayama, dans le Kansai. Une situation particulière qui, au tout début du IXe siècle, a rappelé au moine Kukai les huit pétales de la fleur de lotus. Tout juste revenu de Chine, le natif du Shikoku s’est alors basé sur ce relief atypique pour établir le cœur japonais du bouddhisme ésotérique, Shingon, qu’il ramenait avec lui dans l’archipel.

Le bouddhisme pratiqué aujourd’hui au Koyasan est précisément le Koyasan Shingon, l’une des 18 divisions du genre au Japon. C’est son côté préservé, dans une spiritualité ouverte et au cœur de la nature, tout en offrant de nombreux hébergements pour les voyageurs, qui a rendu le site très populaire auprès des visiteurs étrangers depuis les années 1990. Parmi les 117 temples du Koyasan, 52 sont des shokubo, qui peuvent accueillir pèlerins et voyageurs.

La popularité du Koyasan, d’abord auprès du public français, puis aujourd’hui de la plupart des européens, ainsi que des américains et des australiens, font du site sacré une destination où les visiteurs se bousculent parfois, surtout aux beaux jours, pour les floraisons printanières, et à l’automne.

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Visite guidée !

De notre côté, nous espérions le voir sous son manteau neigeux – et nous avons été servi ! Ce qui nous a permis d’explorer le Koyasan bien plus calmement, avec relativement peu de visiteurs. Mais malgré tout, nous n’étions absolument pas seuls !

Le centre du mandala japonais, le Danjogaran

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Konpon Daito, la pagode carrée à deux niveaux.

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Quand Kukai, après avoir appris la doctrine ésotérique bouddhiste en Chine, a finalement trouvé le site qui deviendrait le Koyasan, il a d’abord demandé l’autorisation à l’empereur de s’y installer. Puis le moine, avant de construire le hall principal de ce premier temple et le Konpon Daito, la pagode carrée à deux étages, s’est attelé à construire un sanctuaire shinto, pour remercier les kami des montagnes alentours de l’accueillir sur leurs terres.

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Le sanctuaire shinto du Garan est la structure à l’histoire la plus ancienne du Koyasan bouddhiste.

Dans le Kondo, le hall principal du Garan, il ne faut pas manquer les anciennes tapisseries des deux côtés du cœur sacré où est vénéré Yakushi Nyorai, le Bouddha de la médecine. Celle de gauche représente le mandala central du bouddhisme Shingon, la lecture du monde au cœur de la pratique, importée de Chine par Kukai et transmise d’Inde en ligne directe. Il ne faudra pas l’oublier en visitant le Konpon Daito voisin, la pagode rouge qui ressort sur le manteau neigeux. Celle-ci n’étant rien d’autre que la représentation tridimensionnellee de ce même mandala.

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Le Vajradhatu Mandala, l’un des mandala centraux du bouddhisme Shingon, dans le Kondo (Photo prise avec l’autorisation exceptionnelle du Koyasan).
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(Photo prise avec l’autorisation exceptionnelle du Koyasan).
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Puis la représentation en 3D de ce même mandala, la pagode.
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Dans la pagode, le monde est centré sur cette statue en bois plaqué or du Bouddha Mahavairocana. Sur les piliers, on voit quelques-uns des 16 Bodhisattvas qui l’entourent (Photo prise avec l’autorisation exceptionnelle du Koyasan).

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(Photo prise avec l’autorisation exceptionnelle du Koyasan).

Mais loin des connaissances théoriques, la pagode à deux niveaux est là pour permettre à tous de ressentir, simplement. Car, comme nous l’explique Yasuda, le moine qui nous fait visiter, le bouddhisme Shingon est bien d’abord une affaire de sensations – bien plus importantes que la théorie.

Pour continuer malgré tout dans les concepts, il faut noter que ce Konpon Daito est lui-même pensé comme le cœur d’un mandala bien plus vaste, centré sur le Koyasan et qui englobe tout le Japon.

L’enceinte du Danjogaran abrite plusieurs autres bâtiments, dont deux pagodes à l’histoire plus récente, le Miedo, le hall du fondateur, qui abrite l’une des deux seuls représentations de Kukai effectuées de son vivant au IXe siècle, par l’un de ses disciples, le moine Shinnyo. Mais celle-ci n’est pas accessible au public.

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Chumon, la porte du Danjogaran.

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Le Rokkaku Kyozo.

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Saito, la tour ouest, qui va de paire avec le Konpon Daito.

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Plus récemment, le temple Kongobuji

Le Kongobuji est l’autre bâtiment au cœur du Koyasan, où se trouve désormais le centre administratif du bouddhisme Shingon dans cette déclinaison. Construit à l’origine par Toyotomi Hideyoshi, l’un des grands unificateurs du Japon de la période des États guerriers, il était d’abord dédié à la mère de celui-ci, avant d’absorber plusieurs petits temples voisins et de changer d’usage.

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La visite se fait en chaussettes dans des pièces qui se succèdent dans un beau labyrinthe d’époques et d’usages, de la diplomatie aux cérémonies religieuses. Après une pause dans une immense salle de tatamis, pour se réchauffer de thé chaud et de crackers – les mêmes précisément que ceux mangés par le Dalai-Lama en 2016. L’occasion aussi d’en apprendre un peu plus sur le bouddhisme Shingon.

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Représentation de Kukai, dans la salle où l’ont peut prendre le temps de se réchauffer. L’ascétisme dans la montagne explique sa carrure trapue !

Le Kongobuji abrite aussi le plus grand jardin sec du Japon, le Banryutei. Déployé autour d’un pavillon réservé aux hôtes de marque, il représente deux dragons, un mâle et une femelle, qui protège le Koyasan depuis leur mer de nuages. Il s’agit d’une création récente, de 1984, composée symboliquement de sable blanc de Kyoto et de rocs de la préfecture de Kagawa, dans le Shikoku, la région d’origine de Kukai. Mais lors de notre visite, les dragons prenaient plutôt un bain de neige.

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Le jardin Banryutei et les rochers de Kagawa couverts de neige.

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La visite du Kongobuji se termine dans ses immenses cuisines, qui alimentaient dans le passé près de 2000 résidents, des étudiants de tout l’archipel. Le foyer et les cuit-riz sont à l’échelle, absolument immenses !

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Trois énormes cuit-riz pour nourrir 2000 bouches.

Le temple Okunoin et le plus grand cimetière du Japon

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Le dernier lieu majeur du Koyasan est bien le temple Okunoin, où se situe le mausolée de Kukai – aussi appelé Kobo Daishi, son nom posthume. Mais “mausolée” n’est pas forcément le terme le plus juste car, dans le bouddhisme Shingon, Kukai est en fait en méditation éternelle, dans l’attente du Bouddha du futur.

Ce site très sacré, auquel on accède après avoir traversé le pont Gobyonohashi, est réglementé – pas le droit de faire de photo, de manger ou de boire – mais la zone est aussi la seule ouverte en permanence au sein de tout le Koyasan. Dans le principal hall du Okunoin, le Torodo, se trouvent 10 000 lanternes qui brûlent perpétuellement, la plus ancienne d’entre elles date de 1016. Le lieu de la méditation éternelle, le Gobyo, est situé à l’arrière.

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Vue sur le Torodo, au fond, avec le pont Gobyonohashi au premier plan. Au-delà, photos interdites.

Pour être au plus prêt de Kukai, le temple Okunoin est précédé du plus grand cimetière de l’archipel, le long des deux kilomètres de l’approche qui commence après le pont Ichinohashi. Y sont enterrés des Japonais de tout le pays, célèbres ou anonymes, y compris moines et seigneurs dont les noms sont restés dans l’histoire. Une partie plus récente de ce cimetière, qui se découvre en arrivant de l’arrêt de bus le plus proche, accueille les tombes et les mémoriaux d’entreprises ou d’associations, dont certaines sont plus surprenantes.

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Le jizo maquillé du cimetière.
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Stèles d’entreprise.

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L’alliance du torii shinto et de la gorinto bouddhiste, la pagode des cinq éléments.
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Les Mizumike Jizo.

Avant Gobyonohashi, se trouvent les Mizumike Jizo, un ensemble de statues de Jizo qu’il faut, comme leur nom l’indique, couvrir délicatement d’eau pour prier (et non les asperger, comme le font pourtant de nombreux visiteurs). Temps très froid oblige, le jour de notre visite, l’eau s’était changée en glace…

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La nuit au shukubo

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L’entrée du shokubo Ekoin, où ,nous avons passé la nuit.

Une bonne manière de profiter plus longtemps de la visite du Koyasan, et de prolonger l’expérience, est d’y passer la nuit dans un hébergement pour pèlerins – l’un des 52 shukubo. La nuit s’apparente à une nuit en ryokan, à la différence que les repas sont bouddhistes, donc composé de shojin ryori, la cuisine végétarienne traditionnelle. Et qu’il est possible en général d’assister aux cérémonies du matin.

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Vue sur le hall principal du shokubo depuis notre chambre.
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Le shojin ryori, la cuisine exclusivement végétarienne des moines bouddhistes.

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Première cérémonie du matin (à sept heures en hiver, ou trente minutes plus tôt aux beaux jours).
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Deuxième cérémonie du matin, le goma, la purification par le feu.

Plusieurs shukubo, comme le Eko-in où nous avons passé la nuit, se sont même fait un devoir de s’adapter à une clientèle mondiale, avec de nombreuses informations et panneaux explicatifs en anglais, la langue universelle des voyageurs.

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Vue immanquable sur la jardin depuis la chambre.

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Comment s’y rendre ?

Le plus simple pour rallier le Koyasan est bien de d’abord se rendre à Osaka, ou simplement à la gare de Tengachaya si vous arrivez de l’aéroport du Kansai. Il faut alors prendre la ligne Nankai-Koya jusqu’à Gokurakubashi (ce qui prend environ 1h30-2h et nécessite la plupart du temps un changement à Hashimoto. Il faut prendre ensuite le funiculaire pour presque atteindre le Koyasan (390 yen et 5 minutes) puis terminer le voyage par un bus jusqu’au centre (environ 10 minutes et 290 yens si vous descendez à l’arrêt Senjuinbashi – ce trajet n’est pas accessible aux piétons et nécessite bien de prendre le bus).

Enfin, en théorie. Car depuis l’automne dernier et un typhon ayant endommagé les voies après Hashimoto, il faut recourir à un bus dès cette station et se passer du funiculaire. Mais tout devrait rentrer dans l’ordre à partir d’avril 2018.

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