Depuis Hiroshima, il suffit d’un arrêt en Shinkansen (à 15mn !) pour découvrir les charmes d’Iwakuni. La ville de la préfecture de Yamaguchi, à l’extrémité de Honshu, abrite un pont célèbre dans tout le Japon : long de 193,3m, le pont Kintai-kyo est officiellement l’un des trois plus beaux du pays. Mais ce n’est pas tout.
Le pont Kintai-kyo d’Iwakuni est aussi l’un des 100 paysages de l’ère Heisei. Ce classement japonais, établi en 2009 et qui recense les lieux les plus représentatifs du Japon, est le fil directeur de Nippon100. Nous nous y sommes rendus une première fois en août 2015, puis en janvier 2018.
Quand le premier seigneur d’Iwakuni, au tout début de l’ère Edo (soit le début du XVIIe), décide de bâtir un château pour s’abriter, il choisit logiquement la colline qui domine le bourg, sur l’autre rive de la rivière Nishiki. Mais un problème se pose rapidement à Kikkawa Hiroie, à son fils, puis à son petit-fils : les ponts plats qu’ils font construire pour traverser la Nishiki-gawa sont successivement emportés par les flots de la rivière caractérielle…
343 ans de pont à Iwakuni !
Le troisième seigneur d’Iwakuni, Kikkawa Hiroyoshi, décide donc de changer de type de structure, afin de relier son château au bourg de manière pérenne. Pour traverser les 200 mètres de rivière, il fait construire en 1673 un premier pont de cinq arches, s’élevant sur de forts piliers de pierre pour augmenter sa résistance au courant. L’idée est bonne, mais pas encore aboutie, et le pont construit en trois mois, est emporté deux saisons plus tard, en mai 1674, quand ses trois piliers s’affaissent dans le lit mobile de la rivière.
Trois jours plus tard, la construction reprend. Elle s’achève à l’automne 1674 pour une inauguration en novembre, cette fois avec des piliers renforcés. Le pont de bois et de pierre devient alors, en prévision de l’entretien régulier des cinq arches (tous les 10/20 ans pour les deux extrêmes et tous les 30/40 ans pour les trois centrales), un pont à péage. Jusqu’à l’ère Meiji, à la fin du XIXe, il est utilisé par les marchands et les samouraïs, dont les résidences sont aujourd’hui encore debouts.
Le Kintai-kyo, qui s’affirme progressivement comme l’un des symboles du Japon, ne survivra pas à la Seconde Guerre mondiale. Affaibli pendant – l’entretien régulier ne peut pas être assuré – il s’effondre le 14 septembre 1950 après le passage du typhon Kijia. Le trésor national, reconnu comme tel en 1922, est reconstruit à partir de l’année suivante, à l’identique mais avec un noyau de béton dans les piliers.
Six bois différents pour le pont d’Iwakuni
Depuis, le pont Kintai-kyo n’a eu qu’à souffrir de la traversée illégale d’un camion en 1998 (2,2 millions de yens de réparations!). De 2002 à 2004, les parties boisées du pont ont été remplacées pour la première fois depuis sa reconstruction.
Long de 193,3 mètres, le Kintai-kyo est large de 5 mètres. Ses arches successives mesurent environ 35 mètres chacunes, et sont plutôt glissantes par temps de pluie. L’une de ses particularités est qu’il utilise six essences différentes de bois japonais, selon les techniques traditionnelles de charpente. Au revers du pont, sous les arches, pins et zelkova s’allient pour les maintenir. Alors que leur structure allie du noisetier, du chêne et du cyprès. Les rampes et le chemin sont enfin en cyprès hinoki.
Les serpents blancs d’Iwakuni
Le pont Kintai-kyo n’est pas le seul trésor d’Iwakuni. En plus de son château, qui domine le parc Kikko, de l’autre côté du pont, et de ses résidences de samouraïs, la ville abrite un étonnant vivarium. S’y croise plusieurs spécimens des serpents blancs d’Iwakuni (shirohebi en japonais), un cas unique au monde de couleuvres vertes ayant perdu leur pigmentation, et dont la mutation se transmet à la descendance.
En dehors du vivarium, ces serpents blancs se rencontrent naturellement sur les bords de la rivière Nishiki depuis au moins 1738, lorsqu’un premier individu a été capturé à Yokoyama. Comme le pont Kintai-kyo, les serpents blancs d’Iwakuni sont officiellement trésor national du Japon depuis 1922 !
Iwakuni en N&B
Tout au long des trois voyages au Japon, en plus de balader notre matériel photo numérique, on transportait aussi occasionnellement un appareil photo argentique ! Voici quelques clichés noir et blanc pris à Iwakuni pendant notre premier séjour, en 2015.
Comment s’y rendre ?
Iwakuni est facilement accessible en train. La gare d’Iwakuni est sur la Sanyo Main line (16 arrêts, 40 kilomètres) et celle de Shin-Iwakuni sur la ligne du Sanyo Shinkansen (1 arrêt). Des bus relient les deux gares au pont Kintai : compter 20 minutes et 300 yens depuis la première, et 15 minutes et 350 yens depuis la seconde. La traversée du pont est toujours payante, comme à l’origine, et coûte 300 yens. Les serpents blancs sont au bout du parc Kikko, juste avant le téléphérique pour le château (billet groupé pont/château/téléphérique à 940 yens).
Pour en voir plus :
Le site officiel de la ville d’Iwakuni propose une sélection de vues du pont, des photos anciennes et récentes, et de toutes les saisons. En Japonais, mais facile à explorer ! Le festival du pont Kintai-kyo a lieu chaque année le 29 avril.
Sinon, les deux autres ponts qui forment avec le Kintai-kyo le top-3 des ponts japonais sont le Nihonbashi, en granit et dans le quartier du même nom de Tokyo, et le pont Megane (“lunettes”) de Nagasaki, qui enjambe le fleuve Nakashima et serait le plus vieux pont de pierre en arc de l’archipel.