Kushiro

Elle est partout. Dans le logo de l’une des deux compagnies aériennes majeures du Japon, JAL, sur la bouteille d’un grand saké japonais, en plein vol sur une estampe d’Hiroshige ou encore en origami pour symboliser la paix, pour ne citer que quelques exemples. La grue japonaise est un oiseau à la calotte rouge et au plumage noir et blanc, qui aurait pu totalement disparaître à cause de la généralisation de sa chasse à l’ère Meiji (1868-1921). Alors même qu’on la pensait éteinte, elle est réapparue au XXe siècle à l’est d’Hokkaido dans une zone reculée, le marais Kushiro Shitsugen. Curieux et passionnés s’y précipitent chaque hiver pour découvrir l’oiseau dansant reprendre ses droits dans le vaste paysage blanc.

Selon Okanobori Teiji, historien de l’art japonais, le motif de la grue japonaise serait probablement le plus usité dans l’art et l’artisanat japonais. Des kimonos aux peintures, emblèmes, papiers japonais, objets laqués d’ameublement ou de décoration, l’oiseau gracieux semble être partout.

Au delà des représentations plus ou moins figuratives, la grue japonaise (grus japonensis), appelée tanchouzuru タンチョウヅル en japonais, est aussi un symbole vivant à découvrir dans son environnement naturel, où elle reprend ses droits – l’espèce est toujours considérée comme menacée. Pour cela, il faut se rendre tout au nord du Japon, sur les zones où les grues sont nourries de novembre à mars, pour faire face à l’hiver rigoureux.

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En plein vol synchronisé !

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Les 268,61 km² de zone humide que sont le Kushiro Shitsugen – désigné comme l’un des 100 paysages de l’ère Heisei – ne s’apparentent plus qu’à une grande étendue blanche durant le long hiver de la grande île du nord, Hokkaido. Le marais est par ailleurs la plus grande zone humide de l’archipel.

Désigné Parc national en 1987, le vaste marais est surtout connu aujourd’hui pour abriter l’unique population sauvage de grues japonaises de l’archipel. Aujourd’hui 1800 oiseaux à l’année dans le secteur, ils étaient devenus inexistants au début du XXe siècle. Une disparition très probablement causée par la levée des restrictions de chasse sur l’animal au début de l’ère Meiji, après la période Edo où la viande de grue était un plat uniquement réservé aux seigneurs. La chasse de l’oiseau étant alors punie de peine de mort pour le Japonais moyen !

Libéré de la sanction fatale, le Japon de l’ère Meiji s’est alors mis à chasser la grue de façon excessive – la viande étant réputée pour ses propriétés médicinales – arrivant à la conclusion que l’espèce avait bel et bien disparu de l’île principale du Honshu à la période Taisho (1912-1926), puis de tout le territoire japonais. Si quelques oiseaux furent redécouverts pour la première fois dans le marais de Kushiro en 1924, ce n’est que bien plus tard que la population de grue commença timidement à se remplumer, grâce à des locaux qui décidèrent de les nourrir au moment crucial, l’hiver.

L’histoire commence dans les années 1950 avec un agriculteur du village de Tsurui, à Kushiro, Yoshitaka Ito, qui fut l’un des premiers à mettre en place ce soutien alimentaire. En se rendant compte que les oiseaux qui se nourrissaient dans ses champs de maïs enneigés étaient bien des grues japonaises – cette espèce, classée Monument naturel du Japon et sensée être quasiment éteinte –  M. Ito s’est décidé à leur offrir lui-même d’avantage de maïs. Un matin particulièrement difficile, un groupe de grues s’intéressa finalement à ce coup de pouce.

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Sur les anciens champs de M. Ito, les grues sont toujours nourries chaque hiver par la Wild Bird Society of Japan.

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Au coucher du soleil, les grues quittent les zones où elles sont nourries en hiver.

Aujourd’hui, autour du Kushiro Shitsugen, plusieurs zones sont consacrées à l’alimentation des grues en hiver. Ces lieux sont les suivants :

  • Le Tancho Observation Center situé près du Akan International Crane Center – le meilleur endroit pour en apprendre plus sur la vie et les habitudes de la grue ;
  • Le Tsurui Ito Tancho Sanctuary – fondé en 1987 par la Wild Bird Society of Japan sur les terres de Yoshitaka Ito ;
  • Le Tsuruimidai, un plus petit espace au bord de la route 53.
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Observation au Tsurui Ito Tancho Sanctuary !
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Le pont Otowa au lever du soleil.

Les deux derniers sont situés à un quart d’heure de voiture l’un de l’autre. Une autre zone intéressante est celle du pont Otowa, au-dessus de la rivière Setsuri, où les grues passent la nuit et se réveillent au lever du soleil. Si les trois observatoires sont plus ou moins desservis en bus, ce dernier site est uniquement accessible en voiture.

Contrairement à d’autres espèces de grues, la grue japonaise qui vit à Hokkaido ne migre pas. Si l’oiseau peut, en théorie, être observé toute l’année dans le secteur du marais, du Akan International Crane center au village de Tsurui, c’est au plus fort de l’hiver, en janvier et février, que la plupart des près de 2000 oiseaux se rendent dans les zones où ils sont nourris – les “feeding grounds” – ayant du mal à se nourrir de façon naturelle dans le marais recouvert de neige.

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La rivière Setsuri au petit matin.
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Les grues, vues du pont Otowa.
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Rarement vu autant d’équipement photo sur un seul pont !

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Danse matinale !
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Le Tsuruimidai, au bord de la route 53.

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D’autres espèces comme oies, canards et cerfs shika peuvent aussi être observées sur les feeding grounds.

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Un renard aperçu aux alentours du marais.
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Vue sur la ville de Kushiro enneigée depuis l’hôtel Kushiro Prince Hotel.
Comment s’y rendre ?

Pour se rendre dans la zone du marais de Kushiro Shitsugen et dans les différents feeding grounds, louer une voiture est plus que nécessaire, avec très peu de transport public pour s’y rendre.

Quelques bus par jour rallient néanmoins les trois “feeding grounds” depuis la gare de Kushiro. Pour le Tancho Observation Center, quatre à cinq bus par jour, en direction du Lac Akan,  y passent (65 minutes, 1450 yen) ; Tsuruimidai (50 minutes, 1000 yen) et Tsurui village (1h, 1250 yen) sont desservis quatre à sept fois par jour. Le Tsurui Ito Tancho Sanctuary est accessible en 15 min à pied depuis l’arrêt de bus de Tsurui village.

Rallier Kushiro en train prend 4h30 avec le JR express Super Ozora, depuis Sapporo.

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Les grues, en médaillon devant la gare de Kushiro.

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